LE CÔTÉ

DE

GUERMANTES





OEUVRES DE MARCEL PROUST

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A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU

  • DU CÔTÉ DE CHEZ SWANN (2 vol.).
  • A L'OMBRE DES JEUNES FILLES EN FLEURS (3 vol.).
  • LE CÔTÉ DE GUERMANTES (3 vol.).
  • SODOME ET GOMORRHE (2 vol.).
  • LA PRISONNIÈRE (2 vol.).
  • ALBERTINE DISPARUE.
  • LE TEMPS RETROUVÉ (2 vol..).

PASTICHES ET MÉLANGES.
LES PLAISIRS ET LES JOURS.
CHRONIQUES.
LETTRES A LA N.R.F.
MORCEAUX CHOISIS.
UN AMOUR DE SWANN
(édition illustrée par Laprade).

Collection in-8 «A la Gerbe»

OEUVRES COMPLÈTES (18 vol.).



MARCEL PROUST

A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU

VIII

LE COTÉ DE GUERMANTES

(TROISIÈME PARTIE)

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GALLIMARD



Les jours qui précédèrent mon dîner avec Mmede Stermaria me furent, nonpas délicieux, mais insupportables. C'est qu'engénéral, plus le tempsqui nous sépare de ce que nous nous proposons est court, plus ilnoussemble long, parce que nous lui appliquons des mesures plusbrèves ousimplement parce que nous songeons à le mesurer. Lapapauté, dit-on,compte par siècles, et peut-être même ne songe pasà compter, parce queson but est à l'infini. Le mien étant seulement àla distance de troisjours, je comptais par secondes, je me livrais à cesimaginations quisont des commencements de caresses, de caresses qu'on enrage de nepouvoir faire achever par la femme elle-même (cescaresses-làprécisément, à l'exclusion de toutes autres). Eten somme, s'il est vraiqu'en général la difficulté d'atteindre l'objetd'un désir l'accroît (ladifficulté, non l'impossibilité, car cettedernière le supprime),pourtant pour un désir tout physique, la certitude qu'il seraréalisé àun moment prochain et déterminé n'est guère moinsexaltante quel'incertitude; presque autant que le doute anxieux, l'absence de douterend intolérable l'attente du plaisir infaillible parce qu'ellefait decette attente un accomplissement innombrable et, par lafréquence desreprésentations anticipées, divise le temps en tranchesaussi menues queferait l'angoisse.

Ce qu'il me fallait, c'était posséder Mmede Stermaria, car depuisplusieurs jours, avec une activité incessante, mes désirsavaientpréparé ce plaisir-là, dans mon imagination, et ceplaisir seul, unautre (le plaisir avec une autre) n'eût pas, lui,été prêt, le plaisirn'étant que la réalisation d'une envie préalableet qui n'est pastoujours la même, qui change selon les mille combinaisons de larêverie,les hasards du souvenir, l'état du tempérament, l'ordrede disponibilitédes désirs dont les derniers exaucés se reposentjusqu'à ce qu'ait étéun peu oubliée la déception de l'accomplissement; jen'eusse pas étéprêt, j'avais déjà quitté la grande routedes désirs généraux et m'étaisengagé dans le sentier d'un désir particulier; il auraitfallu, pourdésirer un autre rendez-vous, revenir de trop loin pourrejoindre lagrande route et prendre un autre sentier. Posséder Mmede Stermaria dansl'île du Bois de Boulogne où je l'avais invitéeà dîner, tel était leplaisir que j'imaginais à toute minute. Il eûtété naturellementdétruit, si j'avais dîné dans cette île sans Mmede Stermaria; maispeut-être aussi fort diminué, en dînant, mêmeavec elle, ailleurs. Dures

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