HISTOIRE
DE LA RÉPUBLIQUE
DE VENISE.
Tome II.
DE L'IMPRIMERIE DE FIRMIN DIDOT,
IMPRIMEUR DU ROI ET DE L'INSTITUT.
HISTOIRE
DE LA RÉPUBLIQUE
DE VENISE.
Par P. DARU,
DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE.
SECONDE ÉDITION, REVUE ET CORRIGÉE.
TOME SECOND.
À PARIS,
CHEZ FIRMIN DIDOT, PÈRE ET FILS
LIBRAIRES, RUE JACOB, No 24.
1821.
Guerre contre le roi de Hongrie.—Perte de la Dalmatie.—Nouvellepeste à Venise, 1355-1361.—Fondation de la bibliothèque deSaint-Marc, par Pétrarque.—Dernières révoltes de Candie.—Expéditioncontre Alexandrie.—Élection d'André Contarini, 1361-1367.—Nouvellerévolte de Trieste.—Démêlé avec l'évêque de Venise.—Guerre contrele seigneur de Padoue, le roi de Hongrie et le duc d'Autriche,1367-1377.—Aventure de Charles Zéno.—Occupation de l'île deTénédos.—Affaires de l'Orient.—Commencement de la guerre contre lesGénois, le roi de Hongrie, le patriarche d'Aquilée, et le seigneur dePadoue, 1377-1378.
I. Jean Gradenigo, doge. 1355.Jean Gradenigo monta, le 21 avril 1355, sur le trône teint du sang deMarin Falier.Les fréquentes révoltes de Zara prouvaient (p. 6) encore moinsl'esprit d'indépendance de ses habitants que la jalousie des rois deHongrie. Ces princes ne pouvaient voir qu'avec dépit tous les portsde leurs états occupés par une république voisine. Jamais ils nemanquèrent de lui susciter des ennemis et de secourir les rebelles.
Guerre contre le roi de Hongrie.Ce royaume, alors un des plus puissants de l'Europe, avait pour roiun prince d'un caractère brillant, chevaleresque, et une noblessevaillante, riche, nombreuse, qui fournissait de grandes armées à sonsuzerain.
La trève, qui existait, depuis la dernière soumission de Zara, entreLouis de Hongrie et les Vénitiens, était sur le point d'expirer. Laseigneurie avait fort à cœur de conclure une paix définitive avecce redoutable voisin. Celui-ci, que le crime de Jeanne de Naples, sabelle-sœur, avait déjà appelé en Italie, nourrissait l'espéranced'acquérir une grande influence dans ce beau pays. Peu disposé àse réconcilier avec la république, il mit à la paix qu'elle luienvoyait demander, des conditions qui ne parurent pas acceptables.Par exemple, il exigeait que les Vénitiens lui fournissent une flottepour passer en Italie avec son armée. Il consentait à leur laisser lapaisible possession de la Dalmatie, s'ils voulaient se reconnaîtreses vassaux; et il fallait (p. 7) que cette vassalité fût constatéepar un tribut et par un hommage annuel.
Il était pénible de consentir à reconnaître un suzerain; mais, en s'yrefusant, la république aurait dû mettre promptement ses colonies enétat de défense. Elles n'y étaient pas lorsque l'armée du roi vintsubitement investir Trau, Spalato, Zara, et quelques autres places decette côte.Contre le duc d'Autriche et le patriarche d'Aquilée.On y envoya assez diligemment une flotte; mais pendantqu'on se préparait à repousser les Hongrois de ce côté, on appritqu'une armée, dans laquelle il y avait, disait-on, cinq